L'avion d'Asia Wings nous transporte confortablement vers Tachilek avec des escales très rapides à Heho puis Mandalay. La région est montagneuse et les pentes raides sont recouvertes de rizières en terrasses. Tachilek, située dans l'état Shan, est la porte d'entrée de la zone du triangle d'or, frontalière de la Thaïlande et du Laos. Les commerces sont nombreux dans cette ville frontière et l'influence de la Thaïlande et de la Chine se fait fortement sentir. La paix n'est revenue dans la région que depuis quelques mois et il est obligatoire de déclarer notre entrée à la police avant de prendre la route vers Kengtung. Le long des routes de la région quelques check-points perdurent, même si les contrôles y semblent plutôt routiniers et bureaucratiques qu'efficaces. Trois heures d'une route sinueuse et variée au travers des montagnes nous permettent d'atteindre Kengtung à la nuit.

Accompagnés d'un guide local peu loquace et manquant singulièrement d'enthousiasme nous partons à la découverte des villages isolés de la montagne. Une piste au travers d'un patchwork de champs mène au village Akkha de Pintauk. Ici, le tourisme semble avoir déjà modifié les modes de vie et les vendeuses de colliers et de sacs qui nous sollicitent portent leur costume traditionnel de manière un peu trop voyante pour qu'elle soit naturelle. Un chemin en montée raide mène vers le village de Wan Mai où vit une communauté Enn. Des enfants sales et dépenaillés nous accueillent à l'entrée. De pauvres maisons sur pilotis sont suspendues à la pente et un système astucieux d'adduction d'eau par des bambous assure l'alimentation depuis une source captée plus haut dans la montagne. La case aux esprits occupe un emplacement de choix au milieu de ce village animiste où l'influence du chamane semble prépondérante. Sur les terrasses, des femmes portant la tenue traditionnelle attendent les visiteurs, assez nombreux, pour leur faire visiter leurs maisons mais leur attitude semble peu naturelle et figée. Nous sommes véritablement gênés d'apparaître comme des intrus un peu voyeurs d'autant plus que notre guide ne fait aucun effort de présentation ou d'explication.
Nous poursuivons notre marche au milieu d'un magnifique paysage de rizières et de plantations d'hévéas jusqu'au village suivant où les habitants apparaissent beaucoup plus naturels et détendus.
De retour à Kengtung nous visitons une fabrique de laque familiale: le procédé de décoration utilisé est complètement différent de celui observé à Bagan et, ici, les motifs sont méticuleusement dessinés au moyen d'un mince fil de laque et de cendre.
Les femmes aux dents noircies rassemblées autour de leurs travaux de couture sont rieuses et, même si les échanges sont évidemment difficiles, les sourires sont bien présents.
Ce matin, pour la première fois depuis notre arrivée le ciel est couvert de nuages. Un nouveau guide prénommé Antonio nous prend en charge, sympathique et parlant bien anglais. Une longue route vers la frontière chinoise parcourt d'abord la vallée occupée par les rizières avant de gravir les pentes escarpées couvertes de végétation. De nombreux camions chinois lourdement chargés circulent sur cette route sinueuse. Une fois les formalités d'enregistrement aux check-points réalisés nous pouvons poursuivre jusqu'au point de départ de notre randonnée situé 15 kilomètres avant la frontière. Nous marchons sur une large piste où circulent quelques motos, conduites parfois par de jeunes enfants, au cœur de zones forestières. Quelques rares zones de cultures sont gagnées sur la forêt par débroussaillage et brûlage.
Nous poursuivons sur la piste dominant un paysage de vallons et de montagnes couvertes de forêts sur lesquelles s'accrochent les nuages. En chemin nous apercevons quelques jeunes novices occupés à couper des troncs de bambous. Ici, loin de tout, ils doivent assurer une part de travail quotidien avant de retourner à leurs études.



Blotti et abrité au creux d'un vallon le village de Wan Seng est caractéristique avec ses surprenantes « long houses ». Chacune de ces immenses maisons abrite une dizaine de familles de la tribu Loi qui vivent dans une grande pièce unique. Chaque famille dispose d'un espace « privatif » avec son foyer: l'atmosphère y est évidemment enfumée et il faut quelques longues minutes pour s'habituer à l'obscurité du local. Les enfants qui jouent autour des maisons nous observent avec curiosité mais gardent une certaine distance bien que les plus hardis d'entre eux essayent de se faire remarquer par quelque acrobatie ou pitrerie. Antonio, notre guide, semble bien connaître les habitants qui lui réservent un accueil cordial. Juste à côté du village un monastère en bois, richement décoré, accueille les enfants du village et supplée, partiellement, à l'absence d'école.


Tout à coup, enfoui au milieu de la forêt, apparaît le monastère Wan Nyut. L'influence thaïlandaise se fait sentir dans les motifs de décoration plus sophistiqués que ceux observés dans les monastères birmans.
Quelques courtes averses de pluie ont rendu le chemin de retour bien glissant et les enfants qui retournent au village sur leur moto lourdement chargée doivent faire preuve d'une habileté certaine pour éviter les glissades.
Toujours avec Antonio nous partons à la découverte de villages des tribus La Hu Shi. La route longe des rizières verdoyantes dans un écrin de montagnes sur lesquels les nuages se déchirent. Un large chemin serpentant entre les rizières mène à un village endormi où nous apercevons seulement quelques enfants et quelques femmes. Le sentier gravit ensuite les flancs de la montagne aménagée avec de nombreuses rizières en terrasses.
Au village suivant, les enfants de l'école, nous apercevant, ne tardent pas à quitter leur classe pour nous entourer, timides ou rieurs, et nous accompagner joyeusement sur quelques centaines de mètres avant de retourner à leurs études. Le chemin escalade ensuite gaillardement des pentes raides et nous apercevons, perchés sur des promontoires, nos objectifs du jour. Les villages de cette ethnie sont établis pour une durée de 4 à 5 ans et ensuite déplacés vers une nouvelle zone. Les villageois vivent pauvrement de ramassage de bois, cueillette de thé, culture du riz et aussi... du pavot. Nous sommes frappés par le dénuement de la population: de pauvres maisons sur pilotis avec pour seul confort l'adduction d'eau sur la place centrale au moyen d'un tuyau provenant vraisemblablement d'une source dans la montagne. Une ribambelle d'enfants à l'apparence sale nous escorte; ils semblent curieux de notre présence mais leurs visages restent assez fermés et bien peu osent franchir le pas d'un sourire, même esquissé. Les femmes et les jeunes filles portent de longues robes bleues, étonnante touche de couleur dans cet univers sans superflu. Hommes, femmes et enfants vaquent à leurs occupations quotidiennes: couture, tressage de paille, préparation de la farine de riz, surveillance des petits frères et soeurs, et, même, fabrication très artisanale d'un fusil en bois...
















