1er mai: Culoz – Songieu
Pour attaquer la traversée du Jura nous avions prévu de gravir le Grand Colombier et de dormir dans le sommaire abri d'Arvières. La fermeture pour restauration de cette cabane et le temps menaçant nous interdisant le bivouac, une fois encore nous détournons notre route. C'est par le Valromey sur le flanc ouest du massif que nous rattraperons notre itinéraire. Une étape un peu languissante, toute en montées et descentes escarpées et glissantes à travers la forêt, sans véritable panorama, une ambiance humide avec un soleil qui joue la coquette derrière le brouillard. A la fin, un peu lassés de louvoyer entre flaques d'eau, racines glissantes et ornières boueuses, nous décidons d'emprunter la route de Larnin à Sothonod qui serpente au milieu des prairies illuminées de fleurs de pissenlits. Au bout du compte, une longue étape avec plus de 1200 m de dénivelé.
2 mai: Songieu – Le Catray
La pluie a tambouriné sur les vitres toute la nuit et, ce matin, le ciel est uniformément terne et il pleut toujours... Bien protégés dans notre vêtement de pluie nous quittons Songieu et son tilleul séculaire qui trône à côté de l'église. Nous découvrons les premiers pâturages du Jura, franchissons quelques clôtures, parfois au prix d'une reptation délicate sous les barbelés mais le plus souvent par des passages en barreaux métalliques luisants d'humidité. Quelques passages en forêt particulièrement boueux nous obligent à de multiples contours. Arrivés près des crêtes du Grand Colombier et du plateau du Retord nous découvrons de vastes alpages illuminés à perte de vue par l'or des jonquilles.
3 mai: Le Catray – Giron
Ce matin, surprise appréciée: un ciel parfaitement bleu, un soleil éclatant et un panorama grandiose des Alpes suisses au massif des Ecrins en passant par le Mont Blanc tandis que les fonds de vallées restent cachés sous les nuages. Tout heureux de retrouver le ciel bleu après de nombreuses journées de grisaille je me précipite dehors pour enregistrer sur mon appareil photo ce moment magique à l'ambiance irréelle. Les pelouses fument sous la caresse du soleil, les nuages s'effilochent à l'assaut des pentes. De pâtures en forêts et de forêts en pelouses où la neige fondante cède la place aux tapis de crocus et de jonquilles nous hâtons le pas en espérant atteindre Saint Germain de Joux avant la fermeture de l'épicerie. Las, une erreur d'itinéraire peu avant la Bossue d'en Haut nous faire perdre encore une bonne vingtaine de minutes et il est 12h45 quand nous arrivons devant l'alimentation...fermée. Nous quémandons un sandwich au bar des Amis mais il est lui aussi démuni. Il nous reste encore environ 3 heures de marche pour rejoindre notre étape et nous ne pouvons attendre l'ouverture bien que nos réserves de vivres soient très réduites. Nous verrons bien ce soir ! Arrivés à Giron nous avons beaucoup de difficultés à dénicher un hébergement et nous errons un moment tels des pèlerins sans ressources ! Finalement, le centre d'accueil montagnard accepte de nous louer une chambre bien qu'il soit en période de fermeture. Ouf, ce soir nous nous contenterons donc d'une maigre minut'soup et d'un biscuit mais nous serons à l'abri, une nouvelle recette pour affiner sa silhouette !!!
4 mai: Giron – La Pesse
Avant de partir nous faisons un détour par la fruitière pour y acheter un morceau de fromage et commencer une cure de délicieux Comté qui devrait nous permettre de survivre durant cette étape relativement courte. Ainsi, grâce à un morceau de pain que le centre d'accueil a bien voulu nous vendre nous avons de quoi reprendre notre marche. Tout s'arrange...
Une petite route dans la forêt que nous abandonnons pour un large chemin conduit sur le rebord de la roche Fauconnière dont l'abrupt domine de plus de 150 mètres la profonde reculée de la Sémine. L'itinéraire rejoint ensuite une piste empierrée encore recouverte de neige heureusement damée et compacte. Nous quittons alors le Bugey et le pays de Gex pour entrer en Franche-Comté par la borne au Lion, lieu de rencontre au XVII ème siècle des 3 empires: le royaume de France, la Savoie, et la Franche-Comté espagnole à l'écusson gravé d'un lion. Face à nous les hautes crêtes du Jura apparaissent encore bien blanches. Arrivés en tout début d'après-midi à La Pesse il ne nous reste plus qu'à attendre tranquillement, au soleil, l'ouverture de la boulangerie et du petit supermarché pour,enfin, acheter quelques provisions et calmer nos estomacs un peu vides. Une fois nos sacs remplis une petite demie heure de route nous mène au hameau d'Embossieux où nous avons réservé notre nuitée.
5 mai: La Pesse – Lajoux
Le cheminement est très agréable pour entamer la traversée du haut plateau du Jura, de vallonnements en crêtes au milieu de prairies dorées de jonquilles: paysages superbes, panoramas étendus sur les monts Jura à l'est et la succession des crêtes à l'ouest, fermes massives à l'architecture traditionnelle, ciel magnifiquement menaçant (!). Ici, tout est calme, paix et sérénité... Mais de gros cumulus bourgeonnants parsèment le ciel et en traversant Moussières une courte averse nous contraint à sortir précipitamment les vêtements de pluie. Commence alors une alternance de grains et d'éclaircies répétés qui ne nous laisseront pas le loisir de faire beaucoup de pauses. Le chemin, parfois détrempé, serpente de forêts en larges prairies avant de rejoindre la curieuse mairie de Molunes, perchée et isolée sur un promontoire face à un superbe panorama de combes et de crêtes. Mais, le ciel devenant de plus en plus menaçant, nous forçons le pas et, évidemment, manquons une bifurcation. Heureusement qu'une clôture vient rapidement couper notre élan et nous faire prendre conscience de l'erreur. Peu avant l'arrivée la grêle se met de la partie mais les dieux de la météo doivent avoir pitié de nous car l'averse est de courte durée.
6 mai: Lajoux – Prémanon
Décidément, le temps du Jura est bien capricieux. En ce dimanche nous avons assisté à la multiplication des grains: grêle et pluie alternées au gré d'un puissant vent de sud! La neige tombée en altitude nous interdit de traverser la forêt du Massacre empruntée par le GR5. Nous suivons donc le tour de la Haute Bienne qui, par Lamoura et la combe de la Sambine nous conduit à Prémanon. Nous n'évitons quand même pas quelques passages enneigés en partie haute de la combe mais des traces de passage facilitent la progression. Tout au long de la journée pluie et grésil nous menacent et c'est presque en courant que nous franchissons les 200 derniers mètres pour nous mettre rapidement à l'abri du gîte. Finalement, les éclaircies sont arrivées au soir couchant.
8 mai: Chapelle des Bois – Mouthe
Notre option du jour: suivre le GR5, mais lequel choisir ? Celui indiqué par notre carte n'est plus balisé, la trace enregistrée sur le GPS n'existe pas plus sur le terrain, nous ne trouvons pas la signalisation dans le village pour nous guider. Nous choisissons donc de tracer notre propre itinéraire en gardant le cap. Mais, face à l'entrelacs de pistes forestières de la forêt de Nondances, notre « légendaire » sens de l'orientation est mis à rude épreuve. Et ce ne sont pas les conseils du chercheur de champignons (oh c'est tout droit...) rencontré au détour d'un chemin qui nous auront beaucoup aidé. Heureusement, des panneaux indiquent quelques directions dont celle de Pré Poncet qui figure sur notre carte et que nous décidons de rejoindre. Là, un plan présente la multitude de sentiers du secteur et nous permet de choisir l'itinéraire le plus rapide pour rejoindre Chaux Neuve puis Mouthe que nous atteignons peu avant que la bruine ne se décide à tomber.
9 mai: Mouthe – Les Hôpitaux Neufs
Le temps n'est pas très engageant au réveil : ciel gris et bruine nous accompagnent durant nos emplettes dans le village. Après un passage au bord des tourbières bordant les méandres du Doubs nous rejoignons la source d'où surgit la rivière aux flots déjà tumultueux. Ensuite, par une montée très progressive sur les pentes douces du val de Mouthe, entre forêts et pâtures, nous rejoignons les abords du Mont d'Or admirant, au passage quelques fermes imposantes. Une dernière grimpette droit dans la pente balisée par les pylônes d'une ligne électrique nous mène au bord des falaises escarpées à portée du sommet. Quand même, nous avons de la chance ! La météo, particulièrement tristounette ce matin à la source du Doubs, nous offre quelques belles éclaircies au sommet du mont d'Or. Nous pouvons ainsi profiter d'un large panorama sur le lac Léman et les massifs alpins. Le Cervin pointe même le bout de sa cime ! Un agréable parcours de crête conduit au sommet du Morond, belvédère bien enlaidi par les remontées mécaniques et les pentes rabotées des pistes de ski. Nous louvoyons ensuite au travers des pistes pour descendre vers les Hôpitaux Neufs, pimpant village aux chalets rutilants.
11 mai: Pontarlier – Les Alliés
Notre « diverticule » par Pontarlier nous a permis de nous réapprovisionner en produits qu'on ne trouve pas au fin fond des campagnes. Donc, après une matinée "relax" à déambuler sous le soleil de cette paisible sous-préfecture, nous rejoignons tranquillement les Alliés au milieu d'un paysage de pâturages verdoyants typiquement jurassien.
12 mai: Les Alliés – Col de Chateleu
Aujourd'hui, vêtements de pluie et escargots sont de retour sous les averses et le brouillard. Vers la Côte du Cerf nous traversons la frontière suisse matérialisée par des bornes en pierre. Quelques passages dans la forêt profonde alternent avec de vertes pâtures. Dans l'une d'elles 4 chamois broutent paisiblement sans paraître se préoccuper de notre présence tandis que je m'approche avec précaution pour les photographier. Ils sautillent joyeusement, comme pour me narguer, puis, quand ils jugent que je suis trop près, sautent allègrement la clôture pour disparaître dans la forêt. Dans cette ambiance humide il est compliqué de trouver un coin de pique-nique et l'heure est déjà bien avancée quand, enfin, aux Seignes, l'auvent d'un petit bâtiment nous offre un abri sommaire sans siège. Après Nid du Fol nous évitons le chemin très boueux qui circule en contrebas de la route en suivant celle-ci jusqu'au col de Chateleu désert.
13 mai: Col de Chateleu – Villers le Lac
La bise a nettoyé le ciel mais nous glace sur le chemin. Un aller-retour vers le belvédère de Vion Billard permet de contempler le paysage typique du val de Morteau avec ses crêtes entrecoupées de vertes prairies et ses hameaux étalés au soleil. Un peu plus loin, la grotte de la Grande cave est accessible par une corniche équipée d'une main courante. À vrai dire, nous sommes un peu déçus d'avoir fait ce (léger) détour car les dimensions de la grotte nous ont paru bien modestes. L'itinéraire joue ensuite à saute-frontière le long d'une longue crête bordée de murets en pierres moussues avant de redescendre rapidement vers Villers le Lac.
14 mai: Villers le Lac – La Rasse
Sous un ciel bleu pur, comme nous n'en avions jamais vu depuis le départ, nous parcourons les gorges sauvages du Doubs. Compte tenu des informations contradictoires sur l'état du sentier de la rive française qui serait éboulé et sur les conseils d'un habitant rencontré au départ nous décidons de traverser vers la Suisse. Ainsi, après avoir frissonné (!!!) depuis la rive française devant le saut de 27 mètres des eaux du Doubs nous traversons la rivière et un autre belvédère offre un nouveau point de vue tout aussi spectaculaire. Nous poursuivons ensuite le cheminement le long de la rivière surplombée par de hautes falaises. De nombreux témoignages de l'activité passée (moulins, verreries, scieries) subsistent tout au long du parcours balisé d'intéressants panneaux explicatifs. Un long parcours alternant passages au bord de l'eau et en balcon dans la forêt permet d'atteindre le hameau de La Rasse, curiosité frontalière puisqu'il est situé sur la rive française mais accessible en voiture uniquement depuis la Suisse. L'auberge est l'unique hébergement existant sur cette portion du parcours et nous n'avons d'autre solution que d'y faire étape malgré des tarifs vraiment abusifs...
15 mai: La Rasse – Fessevillers
Nouvelle journée au long de ces gorges du Doubs où l'ambiance verte et mystérieuse des reflets sur les lacs de retenue et dans les sous bois bordant le Doubs est prenante. Les eaux tumultueuses deviennent paresseuses à l'approche du barrage du Refrain. Seuls quelques cygnes et cormorans viennent en troubler les reflets figés. Après le barrage, la vallée se resserre et le sentier devient étroit et, parfois, tortueux avant de quitter les rives pour s'élever en lacets au cœur de la forêt, cependant que l'évolution du ciel commence à nous inquiéter. A l'instant précis où nous atteignons l'abri confortable des Charbonnières Hautes une averse de grêle aussi soudaine que violente se déclenche, comme un signe pour faire la pause pique-nique. Pour éviter de redescendre dans les profondeurs des gorges nous empruntons une petite route et poursuivons directement vers Charmauvillers. Le paysage s'ouvre et l'ambiance est moins oppressante que dans le fond des gorges encaissées et sombres. Progressivement les hauts plateaux cèdent le pas à des vallonnements marqués où s'entremêlent bois et prairies. Dans le minuscule village d'Urtière nous découvrons la curieuse chapelle saint Roch au toit recouvert de tavaillons discrètement cachée au cœur de la forêt.
Cet après midi, les choses ont repris leur cours normal: après l'averse de grêle, des bourrasques d'orage...et, le soir, il neige...
Cinquième scène: en vue de Saint Hippolyte un sentier en pente raide, glaiseux et particulièrement glissant nous entraîne vers le bas dans un splendide pas de patineur tandis qu'une averse de grêle soutenue s'abat sur nous
Sixième scène: une fois trouvé un refuge spacieux et bien chauffé, la journée se termine sous un grand ciel bleu
Y a com' un p'tit souci de synchronisation...
17 mai: Saint Hippolyte – Vandoncourt
Grand ciel bleu après dissipation des nuages matinaux...
Un chemin bien tracé mène vers la chapelle des Monts dominant la vallée du Doubs puis serpente dans la forêt. Tout serait bien tranquille et le silence seulement troublé, comme chaque jour, par le chant des oiseaux et le bruissement des arbres si une troupe de trialistes ne venait nous frôler avec leurs motos fumantes et pétaradantes. Après Chamesol le tracé fait quelques détours vers la batterie de Lomont bâtie sur une crête d'où la vue porte au loin vers la plaine et, instant magique, la "ligne bleue" des Vosges...à l'horizon.
Avec cette étape nous quittons l'ambiance montagnarde des plateaux du Jura pour descendre lentement à travers les paysages plus champêtres de la région de Montbéliard. De Villard les Blamont à Glay une petite route descend à travers la forêt dans la profonde vallée de la Doue. Nous remontons ensuite sur un plateau à l'horizon ouvert où s'entremêlent champs et boqueteaux jusque Abbévillers puis Vandoncourt. Au détour d'une reculée, nous découvrons la curieuse arche sarrasine, formation karstique objet d'une légende heureuse.
18 mai: Vandoncourt – Belfort
Comment un banal sentier horizontal et rectiligne peut devenir un parcours sportif et sinueux après les pluies? Vous pouvez aller l'expérimenter en allant traverser la forêt de Dampierre les Bois.
La suite du parcours? quinze kilomètres le long du chemin de halage du canal de Montbéliard à la Haute Saône qui pourraient nous laisser tout loisir de goûter à un environnement paisible de chants d'oiseaux et de vols de hérons s'il n'y avait le voisinage immédiat de l'autoroute et de la ligne TGV.
Bref, c'est ce qu'on appelle une étape de liaison...
Quelques kilomètres avant Belfort nous abandonnons la « coulée verte » pour nous immerger dans la cohue d'une vaste zone commerciale très animée. Nous sommes un peu secoués et étourdis par tout ce brouhaha et avons quelques difficultés pour trouver le meilleur (ou plutôt le moins mauvais) cheminement dans ces espaces où rien ne semble prévu pour les piétons. Ainsi, pour rejoindre le centre ville, il nous faut jouer les acrobates en traversant quelques ronds-points au milieu d'une circulation dense.